La Fête de la Saint-Michel

Marquer l’entrée dans l’Automne

Fin septembre, les écoles Waldorf de France et à l’étranger s’ornent de dessins de dragons, de l’archange Michael, résonnent au son de paroles telles que « Force et courage ! », organisent des excursions, des épreuves, des rassemblements….

Ce moment revient chaque année, peu après la rentrée, et il est vécu dans la plupart des écoles Waldorf dans les pays de tradition chrétienne. Les écoles Waldorf n’étant pas liées à une confession religieuse, pourquoi fêtent-elles alors la Saint-Michel ?


La signification de la fête de la Saint-Michel

La réponse se trouve dans la date du calendrier où est fixée cette fête, le 29 septembre, tout près de l’équinoxe d’automne, quand les récoltes de l’été sont finies, que les jours raccourcissent et que les températures rafraîchissent. Depuis le Moyen-Age, cette célébration a une double signification : elle est associée à une fête des récoltes, où l’on rend grâce pour l’abondance des dons de la terre. Ensuite, par la figure de l’archange Michaël affrontant le dragon, elle prépare les hommes au changement de saison qui s’annonce, et qui appelle à trouver en soi la force dont on a besoin pour affronter les ténèbres qui peu à peu vont envahir la terre, le temps de l’hiver… La Saint Michel est donc l’une de ces nombreuses fêtes de saison qui viennent rythmer l’année scolaire, et qui permettent aux enfants de vivre le passage des saisons en conscience, plutôt que d’avoir à le subir.

L’archange Michaël terrassant le dragon symbolise le courage dont nous avons besoin pour faire face à l’adversité, et il est célébré comme tel à la fois dans le judaïsme, la chrétienté et l’islam. Les enfants des écoles Waldorf peuvent facilement se lier à ce personnage affrontant les ténèbres avec son épée de lumière. En ce début d’année scolaire, ils sont confrontés à bien des « dragons » – des épreuves, qu’elles soient d’ordre physique quand il s’agit de relever un défi sportif, tel qu’une longue randonnée, d’ordre social, pour oser être soi sans peur du regard des autres, d’ordre moral, quand il faut choisir de faire ce qui paraît juste même si c’est inconfortable ou impopulaire, ou encore d’ordre intellectuel, pour rester curieux de tout, et essayer de comprendre, sans se décourager si cela paraît compliqué.

Dessin au tableau représentant la Légende de Saint Georges terrassant le dragon
Dessin au tableau représentant la légende de Saint Georges terrassant le dragon

Les festivités de la Saint-Michel

Au moment de la Saint-Michel, les pédagogues des écoles Waldorf organisent des épreuves où les enfants de différentes classes d’âge sont appelés à se mélanger pour faire preuve de courage et d’entraide. Cela peut être une randonnée, des parcours les yeux bandés, guidés par les camarades, une promenade dans des lieux inconnus, des travaux d’entretien, ou de nettoyage et de ramassage de déchets dans les environs des écoles.

A la fête de la Saint-Michel, les enfants se teignent leur cape

Dans certaines écoles, un spectacle mettant en scène l’archange Michaël (ou Saint Georges, qui est son équivalent humain), est représenté. Aux Etats-Unis, les enfants du Jardin d’Enfants teignent et puis revêtent des capes jaunes, représentant la lumière triomphant sur les ténèbres.

Une marche avec un dragon créé par les aînés des écoles dans le plus grand secret est parfois aussi organisée : imaginez l’anticipation de tous à l’idée de découvrir le dragon de l’année, révélant toute l’inventivité et l’imagination de ses créateurs !

Chez les plus jeunes, au jardin d’enfants, l’accent est placé sur la célébration de la fin des récoltes, les enfants, leurs pédagogues, et leurs familles se réunissent pour saluer les richesses que l’été et la terre nous ont données et remercier la Nature pour les fruits offerts. Les pédagogues peuvent demander aux enfants d’apporter des ingrédients qu’ensemble ils prépareront pour faire une bonne soupe qu’ils partageront avec leurs familles et leurs amis, dans un grand moment de convivialité.

Préparation soupe d'automne
Au jardin d’enfants, on cuisine tous ensemble pour célébrer les dons de la nature

Dans d’autres écoles, ils battent le blé, le trient, le transforment en farine avant d’en faire du pain, qu’ils façonnent parfois sous forme de dragon, un façon bien appétissante de terrasser le sieur dragon et de lier ces deux thèmes.

Lien à la nature, ancrage culturel, relation aux autres, ce sont ces trois éléments qui font des fêtes des temps pédagogiques très forts dans les établissements Steiner Waldorf. En outre, ces fêtes, très attendues par les enfants chaque année, impriment un rythme à l’année scolaire, qui donne vie au temps, pose des repères et donne un ancrage temporel à l’enfant. Le rythme est donc un outil très important au sein de la pédagogie Waldorf, et les fêtes récurrentes y ont leur place pour cette raison aussi.

Des festivités propres à chaque culture

Chaque école a son identité propre, et sa façon de célébrer les fêtes de saison, mais le choix de ces fêtes reflète résolument la culture du pays dans lequel chaque école est implantée, contribuant ainsi à l’ancrage culturel des enfants.

Des enfants recréent la légende de Hou Yi et Chang E pendant le festival de la Mi Automne
Des enfants recréent la légende de Hou Yi et Chang E pendant le festival de la Mi-Automne à la Forest House Waldorf School de Hong Kong

En Chine et en Asie du Sud Est, c’est le festival de la Mi-Automne qui est célébré en septembre. Les enfants y recréent la légende de Chang-E, qui s’envola vers la lune après avoir ingéré l’élixir d’immortalité que son mari, l’archer Hou Yi, avait gagné après avoir tué 9 des 10 soleils qui rendaient la terre invivable. Ils assistent à une danse du dragon – un être bénéfique en Asie, et lors d’un rituel qui nous rappelle celui de la Saint-Martin, en famille, ils sortent la nuit venue avec des lanternes pour admirer la pleine lune où s’est réfugiée Chang E. Ils la remercient pour les récoltes, tout en dégustant des « gâteaux de lune » dont la forme ronde rappelle à la fois l’astre de la nuit et le cercle qu’ils forment avec leur communauté.

La pleine lune d’automne est aussi célébrée dans la tradition judaïque, lors du festival de Sukkot, où l’on construit des huttes temporaires ou « Sukkah » en souvenir des années d’exode du peuple hébreu, que l’on garnit des fruits de la récolte. Dans les écoles Waldorf ancrées dans cette tradition, ce sont souvent les élèves de 3ème classe qui construisent ces huttes dans le cadre de leur période sur les habitations.

En Inde, un festival important se tient aussi au moment de l’équinoxe d’automne, Dussehra, (Dasara, ou Dashain) qui, comme la Saint Michel, marque à la fois l’arrivée de la saison froide et la victoire du bien sur le mal : selon les régions, on  y célèbre soit la victoire de la déesse Durga sur le démon Mahishasura, soit celle de Rama sur le démon Ravana – un extrait de l’épopée du Ramayana qui sera célébrée lors des fêtes de Diwali en novembre

Cette liste des festivals célébrés lors de l’équinoxe d’automne n’est pas exhaustive, mais permet déjà de réaliser à quel point des cultures très différentes peuvent se rejoindre. Après tout, nous sommes tous enfants d’une même terre…