Les bases des mathématiques à l’école primaire Steiner-Waldorf

Un enseignement concret et en mouvement

L’apprentissage de la numération et du calcul débute à l’entrée à l’école primaire Steiner-Waldorf, d’une manière qui accorde une large place au mouvement et à la manipulation. Avant cela, à l’école maternelle (jardin d’Enfants) l’enfant a eu de nombreuses opportunités de jouer avec les nombres de manière informelle. L’enseignement des mathématiques dans la pédagogie Steiner-Waldorf adopte une démarche particulière, qui s’appuie sur le stade de développement dans lequel se trouve l’enfant. L’enfant de 6-7 ans, qui rentre à l’école primaire, a encore un vécu du monde qui s’appuie sur son corps. Ainsi, les mathématiques seront corporelles, c’est-à-dire prenant appui sur le mouvement, la manipulation, le concret et le rythme.


La pédagogie Steiner-Waldorf cherche à s’appuyer sur ce qui existe déjà pour s’élever vers la découverte de nouveaux domaines, de nouvelles facultés. Autrement dit, prendre l’enfant là où il est pour l’amener vers ce qu’il ne connaît pas. Quel rapport entretient l’enfant d’âge scolaire avec le monde ? Il le reconnaît essentiellement par ce qu’il vit dans son corps. Son corps est son principal outil de connaissance. Son vécu du monde, n’est ni cérébral ni abstrait, mais corporel et concret. De fait, les mathématiques en début d’école primaire seront essentiellement des mathématiques corporelles. Qu’est-ce que cela recouvre exactement ? Il s’agit là de mathématiques qui, à travers le mouvement, le rythme, la récitation, les manipulations d’objets, amènent l’enfant à vivre les nombres sur le plan corporel.

Apprendre à compter

Pour savoir calculer, il faut d’abord savoir compter. Les premiers cours de calcul en première classe (équivalent CP) seront donc consacrés à la découverte des nombres, et plus particulièrement à la qualité des nombres.

Ressentir la qualité des nombres

L’enfant doit sentir les qualités de chaque nombre et pour cela il faut qu’il développe un sentiment pour chacun d’entre eux. Savoir dénombrer quatre objets est une bonne chose, ressentir la qualité du nombre quatre en est une autre. Prenons quelques exemples de caractérisation des deux premiers nombres de la suite.

Qualité des nombres
Les nombres de 1 à 9 caractérisés dans leur qualité.

L’enfant de 6-7 ans se ressent encore comme vivant dans une unité qui englobe tout son entourage. Ce n’est qu’à partir de ce vécu global du tout que l’enfant apprend à distinguer les parties. Il est donc important de faire vivre l’unité dans le 1, parce qu’à travers l’unité, l’enfant vit quelque chose qui entre en résonance avec son ressenti intérieur.

Qu’est-ce que le 2 ? Il suffit de regarder son corps et l’on trouvera le 2 inscrit dans les mains, les pieds, les yeux, les narines, les oreilles, etc. À nous de multiplier les exemples issus des différents règnes de la nature.

Sur le même mode, chaque nombre jusqu’à 10 est caractérisé (comme les 10 doigts). Évidemment, on écrira les nombres de 1 à 10. Lorsque ce travail est fait, la récitation de la suite des nombres prend une autre dimension, car l’enfant est relié à chacun d’entre eux par un sentiment fort.

Exercer la numération en mouvement

Travailler la numération en mouvement
C’est par le mouvement et le rythme que les suites numériques sont travaillées.

A côté du travail qualitatif, l’élève fait aussi la connaissance avec la suite des nombres de manière rythmique et en mouvement. Compter à l’endroit, à l’envers, à voix forte ou faible, en marchant ou en frappant dans ses mains, en avançant ou en reculant, en sautant à cloche-pied ou en lançant une balle sont autant de manières corporelles-rythmiques d’exercer cette suite en accord avec la nature de l’enfant.

Découvrir le système décimal

Travail sur le système décimal
Un exemple de cahier d’élève portant sur le système décimal

L’élève va apprendre, par divers jeux rythmiques et en mouvement, à compter au-delà de 10. Mais, il est indispensable qu’il puisse percevoir et se représenter la valeur d’un nombre sans jamais le reléguer dans le domaine de l’abstraction. D’où l’importance de l’apprentissage du système décimal, pour que le 1 de 21 puisse être compris en tant qu’unité et le 2 en tant que dizaine. Pour cela encore, l’enseignant usera de son imagination pour rendre cette notion concrète. Par exemple, l’enfant peut ramasser des pierres, qu’il faudra mettre dans un sac à chaque fois qu’il en aura 10 (la dizaine), pour que ce soit bien rangé. Ces sacs de dizaines iront ensuite dans une boite, dès qu’il en aura de nouveau 10 (pour introduire les centaines). L’aspect concret est important, que chaque enfant puisse manipuler par lui-même les cailloux, pierres, fèves… à ranger dans les sacs puis les boites.

Calculer : 4 opérations dès la première classe

Qu’est-ce que calculer ? C’est prendre conscience de quatre gestes fondamentaux représentés par les quatre opérations de base : l’addition, la soustraction, la multiplication et la division. Que l’on sache calculer ou pas, la vie nous demande sans cesse d’additionner, de soustraire, de multiplier ou de diviser. Les quatre opérations de base permettent d’amener sur le plan quantitatif des gestes qui existent naturellement sur le plan qualitatif. À nous encore de faire vivre ce dernier avant de passer aux quantités : avant d’être des opérations que l’on peut écrire sur le papier, l’addition, la soustraction, la multiplication et la division sont des gestes que l’on peut et doit exercer. Dès la première classe, les 4 opérations sont donc introduites en même temps.

L’importance de la manipulation dans les apprentissages mathématiques

Toute forme d’apprentissage qui sort du domaine concret et qui libère les chiffres de leur support matériel doit être évitée. Les mathématiques se doivent d’être prioritairement des savoir-faire, vécus dans le mouvement, dans les rythmes, dans les gestes. Plus on sera concret dans les petites classes et plus la faculté d’abstraction pourra éclore et se développer dans les grandes classes. Pour faire vivre les 4 opérations, l’enfant aura donc à sa disposition des objets concrets à manipuler (marrons, billes, cailloux…) avec lesquels il pourra s’exercer.

Des opérations analytiques avant d’être synthétiques

Plus l’enfant est petit et plus il fusionne avec le monde qui l’entoure. Grandir, c’est se séparer du monde et ce geste se fait très progressivement au fil des étapes de la vie. Quand on se ressent comme un tout, c’est à partir de celui-ci que l’on regarde le monde et qu’on en distingue les parties constituantes. Parce qu’il ressent l’unité du monde, le petit enfant est un analyste dans l’âme, il faut en tenir compte pour organiser les cours de calculs avec lui. Partir du tout pour aller vers les parties correspond à sa nature. C’est ce principe fondamental qui guide l’enseignement des 4 opérations.

Ainsi, en 1re classe, additionner, c’est décomposer un tout selon sa volonté (15 = 7+8 ou 10+5 ou 4+11…). Ce geste permet une immense liberté. Il existe une infinité d’additions qui mènent à 100 !

Quant à la soustraction, elle devient concrète lorsque l’enfant perçoit un reste et se souvient du tout initial, alors il en déduit combien d’objets lui manquent. Par exemple : je vois qu’il me reste trois marrons, je me souviens que j’en avais 9 et j’en déduis qu’il en manque 6 ( 3=9-6). La multiplication et la division seront enseignées avec ce même geste qui part du tout pour aller vers les parties.

multiplication des cahiers
Il est important de partir du tout pour aller vers les parties lorsque l’on introduit les 4 opérations.

Lorsque l’on observe les stades de développement de l’enfant, on remarque une étape particulière vers l’âge de 9 ans. L’enfant cherche à s’opposer au monde entier. Il s’affirme en tant qu’individu et la perception qu’il a de lui-même tend à effacer celle qu’il a des autres. Il devient le centre autour duquel gravitent ceux qu’il rencontre. Lorsque ce moment approche, il est temps de transformer notre démarche analytique (du tout vers les parties) en démarche synthétique (des parties vers le tout). Dans l’opération 2 + 3 = 5, nous entrons dans une activité de synthèse. 2 et 3 ne sont plus des tous, mais des unités qui convergent vers la globalité. La pratique de l’addition « synthétique » place l’unité comme un élément du tout.

Ainsi, l’enseignement des mathématiques nous permet tout d’abord d’accompagner la naissance du sentiment d’individualité, puis de replacer cette individualité dans un contexte social.

L’apprentissage des tables de multiplication

Table multiplication dessin

Cet apprentissage débute en deuxième classe (équivalent CE1) mais est préparé dès la première classe à l’occasion d’exercices de numération en mouvement. Lors de la récitation de suites de nombres, les élèves peuvent par exemple chuchoter sur 1,3,5,7… et dire à voix haute 2,4,6,8 avant, dans un deuxième temps, de ne plus réciter que 2,4,6,8… On fera la même chose avec la suite des 3, des 4…

Les élèves vont ensuite découvrir la transposition des suites propres aux tables de multiplication dans le domaine spatial. A l’aide d’un morceau de ficelle et d’une planche à clous, ils vont faire apparaitre les figures géométriques « cachées » dans chaque table. L’enfant récite sa table tout en enroulant le fil sur les clous.

À travers ce genre de figures, des aspects de l’architecture plastique des tables deviennent vivantes et peuvent faire l’objet d’observations puis de découvertes avec les enfants, l’enthousiasme et l’émerveillement étant de puissants leviers d’apprentissage.

 

L’enseignement des mathématiques dans les premières classes de l’école primaire Steiner-Waldorf a donc pour objectif de rendre cette matière la plus vivante et la plus concrète possible, en lien avec la nature du jeune enfant, afin que des bases solides soient installées pour les futures démarches d’abstraction.