professeur élève école primaire

Apprendre à lire et à écrire

un processus artistique

L’apprentissage de la lecture et de l’écriture débute à l’école primaire et de manière artistique dans la pédagogie Steiner Waldorf. Avant cela l’accent est mis au jardin d’enfants sur les activités sensori-motrices qui constituent un préalable idéal. Ne pas se précipiter dans l’acquisition de ces facultés essentielles, c’est le choix notamment de la Finlande, qui obtient régulièrement les meilleurs résultats au monde en la matière.


L’écriture est née il y a seulement 5000 ans au Moyen-Orient. Auparavant, les hommes se sont exprimés par des formes, des dessins tracés sur les parois des grottes préhistoriques et cela pendant des dizaines de milliers d’années. Les premières écritures tels les hiéroglyphes reprennent des pictogrammes, des dessins évoquant des sons. Les mots sont alors tracés, comme des rébus en fonction de leurs sonorités. L’élément plastique (visuel) compte tout autant que l’élément musical (auditif). Puis ces dessins signifiants, pour des raisons sans doute pratiques, vont se transformer en lettres plus abstraites, pures conventions qui s’établissent progressivement pour donner naissance à notre alphabet.

C’est sur ce chemin d’humanité que va s’engager l’enfant à la conquête de l’écriture et de la lecture. Dans les trois premières années de son existence, celui-ci a acquis l’essentiel de ce qui va faire de lui un être humain : il s’est mis debout, il a acquis les mouvements de la marche, puis, dans ce mouvement ainsi libéré, il a commencé à parler et à penser. L’apprentissage de l’écriture et de la lecture employé en école Steiner Waldorf s’inspire de ces processus fondamentaux.

L’élève va d’abord être invité à s’engager dans le mouvement, l’action, pour ensuite conscientiser l’activité étape par étape : dans la plasticité des images, dans la sonorité des lettres, puis dans le sens des phrases ; dans l’écriture, puis la lecture.

Apprendre à écrire

Pour apprendre les lettres de l’alphabet, trois étapes préalables sont nécessaires, pour tenir compte de chacun des enfants, qu’ils soient plutôt auditifs ou plutôt visuels.

On interpelle d’abord l’enfant par l’imagination et par les sens : l’ouïe est sollicitée en premier lieu pour la musicalité des mots et des sons. On raconte par exemple à l’enfant une histoire qu’il s’approprie, car il s’y reconnaît.

“Un petit poulain planté sur ses longues pattes voulait rejoindre son père le grand étalon noir dans le pâturage voisin.Pour cela il devait passer par un petit pré entouré de peupliers, plein de fleurs, des pissenlits, des pois de senteur, du pourpier… Avec toutes ces fleurs, le pré était plein de papillons. Ils se posaient promptement sur tous les pétales appétissants et avec leur trompe, ils aspiraient le nectar et le pollen.(…)”

De l’histoire, résonne un son dont l’enfant va s’emparer en l’exerçant musicalement, par exemple en apprenant par cœur de petites ritournelles : « petit papillon, pose toi sur les pétales, aspire le pollen, respire le printemps… »

Apprentissage imagée des lettres

C’est par le dessin que l’enfant va ensuite pouvoir se lier davantage à l’histoire entendue et au son maintes fois répété. Ce dessin, suffisamment suggestif, (un papillon par exemple pour le P) est initié par le professeur pour que l’enfant puisse déjà y trouver la lettre. Pourra alors naître enfin la lettre et son graphisme, et la lettre, qui n’est plus un simple son, peut alors être nommée.

Ce processus guidé attentivement par le professeur se réalise en trois jours, afin que l’enfant assimile avec le temps et le sommeil de toutes ces activités. C’est ainsi qu’il inscrit au plus profond de lui-même des lettres que l’on a rendues “vivantes”.

L’écriture peut à présent préparer par la motricité à la lecture : on écrit les lettres d’abord en capitales qui allient le mouvement de la ligne droite et celui de la courbe, mouvements essentiels à l’écriture. Plus tard, on écrira en script, et plus tard encore en cursive. Le temps, là aussi, est nécessaire, afin de non seulement comprendre, mais aussi de bien maîtriser ces lettres graphiquement et ainsi pouvoir les utiliser et écrire en toute liberté. La participation intérieure de l’enfant est très importante. Ce qu’il écrit doit autant que possible venir de lui-même, de sa propre création.

La lecture

La recherche actuelle confirme qu’un enfant est mûr pour la lecture quand un certain nombre de conditions sont remplies, notamment la compréhension de ce qu’est l’écriture par l’exercice actif de ses gestes 1.

Professeur de classe accompagnant un élèveElle est d’abord abordée de manière globale, puis analytique : on fait entendre la phrase, puis on détecte le mot, le son, la lettre. Chaque enfant y accède au moment où il s’y sent prêt. Cette maturité dépend de chaque individualité. C’est le propre de la pédagogie Steiner Waldorf d’accueillir les enfants, de leur donner les outils pour accéder aux apprentissages, sans leur en imposer le terme. Bien sûr un retard excessif pourra être préoccupant. L’enfant concerné sera alors particulièrement entouré, avec des activités, des exercices adaptés aux difficultés rencontrées.

Lors de l’apprentissage de la lecture, l’accès aux livres devient essentiel : le pédagogue les choisit non seulement pour la pratique de la lecture, mais aussi pour enrichir l’imagination et pour amener variété et qualité au vocabulaire. Le livre est un bel objet, bien écrit et l’histoire doit être adaptée à chaque âge.

Maîtriser la grammaire

Son enseignement débute à partir de 9 ans, quand l’enfant est suffisamment mature pour découvrir et comprendre la structure du langage. La pratique intensive de l’oralité dès le plus jeune âge, élément central de la pédagogie Steiner Waldorf, prépare idéalement à l’apprentissage de la grammaire : depuis la première classe, chaque jour, le pédagogue l’a faite résonner à travers les histoires qu’il a racontées dans un langage consciemment choisi. C’est parce que l’enfant a appris à parler, à s’immerger dans une langue pleine de richesses, qu’il peut extraire de son inconscient syntaxe et règles ordonnées.

En amenant à la conscience les mouvements de la langue comme une richesse que l’on découvre, les enfants vont pouvoir s’enthousiasmer : c’est une découverte extraordinaire ! Là encore tout procède du mouvement : mouvement de la langue avec une belle prononciation qui amène la musicalité ; mouvement de la phrase et de son souffle, amené par la ponctuation ; mouvement des mots qui ont chacun leur propre sonorité, leur propre identité, leur propre rôle, leur fonction ; mouvement du verbe qui n’arrive pas souvent à rester immobile, des conjugaisons qui nous font voyager dans le temps…

Au fur et à mesure des années, la liste s’allonge et tout est prétexte à l’écriture pour pouvoir de mieux en mieux manier cette langue, vecteur du lien à l’autre, tellement important. Car Les façons d’aborder la grammaire sont multiples. L’accès à la littérature en est un des moyens, par la lecture, la lecture à haute voix bien travaillée, le théâtre

Monter une pièce de théâtre au collège

L’orthographe découle de toutes ces activités, notamment sonores. Il faut savoir écouter pour bien écrire orthographiquement. Elle peut venir aussi visuellement, de la lecture ou des textes recopiés. Elle est entraînée à l’école par l’écriture requise dans toutes les matières enseignées, par la sollicitation récurrente à produire des textes d’imagination, de description, d’explication.

L’écriture, la lecture, puis la grammaire sont les matériaux permettant à l’enfant de maîtriser sa langue maternelle. Ce processus véritablement artistique, doit être mené sans créer de blocages ou de peurs, en donnant la confiance à chacun pour rechercher et exprimer sa propre individualité. Le temps est nécessaire pour cela et durant tout le primaire, l’enseignant Steiner Waldorf va conduire chaque enfant sur ce chemin qui lui est propre, avec lenteur ou avec rapidité selon ses besoins.

Catherine Defèche, professeur de classe à l’école des trois cailloux

Notes